On dit qu’un des grands patriarches de la tradition Zen, Hui Neng, a été éclairé en entendant un seul verset du Sutra du Diamant (un des enseignements clés du bouddhisme).

Ce verset peut être traduit de différentes façons, mais l’idée fondamentale qu’il véhicule est la suivante : « Développez un esprit qui ne s’attache à rien. »

Imaginez ce que ce serait d’avoir un tel esprit. Il ne s’attache pas et n’a pas besoin que les choses se présentent d’une certaine façon. Il n’a pas besoin que les gens se comportent d’une certaine façon. C’est un esprit à l’aise partout, parce qu’il n’a pas besoin d’être quelque part en particulier.

Toutes nos difficultés disparaîtraient :

  • Si quelqu’un vous irrite, c’est parce que voulez qu’il adopte un comportement particulier que vous voulez qu’il adopte. Et quand ce n’est pas le cas, vous êtes malheureux. Si votre esprit ne s’accrochait pas à ce que vous vouliez, vous seriez d’accord avec la manière dont l’autre réagit. En fait, vous pourriez avoir de la compassion pour lui, comme vous pourriez constater qu’il souffre.
  • Lorsque vous êtes coincé dans la circulation, ou dans une longue file d’attente quelque part, vous pouvez être agacé, car vous voulez que les choses se passent autrement (pas d’embouteillage ou de longue file d’attente). Votre esprit s’accroche à la façon dont il veut que les choses soient, et déteste ne pas obtenir ce qu’il veut.
  • Quand quelqu’un est en colère contre vous, vous pouvez vous mettre sur la défensive ou être en colère parce que vous vous accrochez et souhaitez qu’il vous traite d’une certaine façon. Si vous renoncez à vous accrocher, cela n’excusera pas son mauvais comportement. Cela ne veut pas dire non plus que vous devrez permettre qu’il vous traite mal. Toutefois, vous n’aurez pas à vous sentir vexé, vous ne feriez que vous protéger en ne vous laissant pas abuser (si nécessaire). Et encore une fois, vous pourriez comprendre que l’autre souffre en réalité.

Toutes les difficultés sont causées par cet attachement : le stress quand vous croulez sous le travail, la procrastination quand vous ne voulez pas travailler sur quelque chose de difficile ou faire un exercice exigeant, l’isolement, le fait de fermer votre cœur dans une dispute, l’excès alimentaire, l’adoption de mauvaises habitudes financières, et bien plus encore.

Voyons comment nous réagirions dans une situation, si nous pouvions avoir un esprit qui ne s’attache à rien. Ensuite, nous verrons comment nous pourrions commencer à développer un esprit qui ne s’attache à rien.

Exemple : Faire face à une situation difficile avec un esprit qui ne s’attache à rien

Supposons que vous avez un proche qui est toxicomane et que vous voulez vraiment l’aider. Cependant, vous stressez sur la façon de l’aider, sur le fait qu’il s’engage dans cette voie. Vous vous demandez si vous êtes même capable de l’aider.

Le stress est causé par l’attachement ; par la façon dont vous voulez qu’il se comporte. Vous voulez que les choses se déroulent comme vous le souhaitez. Vous avez une intention bienveillante, mais dans le même temps, votre accrochage vous cause des souffrances.

La dépendance à la drogue est aussi causée par l’accrochage. Au départ, l’autre personne courrait vers la drogue pour échapper à ses difficultés, ce qui était causé par l’accrochage. Elle appréciait le plaisir de s’évader et se sentait réconfortée loin de ses difficultés. Finalement, elle s’est accrochée à ce sentiment. Avec le temps, cet accrochage s’est renforcé pour devenir une dépendance, et son attachement a favorisé l’installation de cette dépendance. Elle souffre, et nous pouvons le voir et vouloir sincèrement mettre fin à cela (sans s’accrocher à la nécessité que ce résultat se produise).

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En voyant donc tout cela, vous commencez à lâcher prise. Vous n’avez pas besoin que l’autre se comporte d’une certaine façon, vous l’aimez tout simplement. Levez-vous en sa faveur, avec acceptation et compassion. Ouvrez-lui votre cœur, sans avoir besoin que les choses changent.

Et vous offrez votre aide, bien sûr. Vous partagez des idées sur la recherche de conseils, la méditation, les stratégies de désintoxication et les centres de traitement de la toxicomanie. Cependant, vous n’êtes pas attaché à ce qu’il fasse réellement ces choses. Vous les proposez avec amour, comme un cadeau.

C’est une façon pour un esprit qui ne s’attache à rien de faire face à une situation difficile. Il y en a beaucoup d’autres, mais vous pouvez voir que ce non-attachement peut être extrêmement utile dans n’importe quelle situation.

Comment développer un esprit qui ne s’attache à rien

Je ne vais pas prétendre que je ne m’accroche jamais à quelque chose ni qu’il est facile de développer un esprit qui ne s’attache à rien. C’est une chose sur laquelle je travaille encore. Et je ne m’attends pas à développer cette capacité du jour au lendemain (il est même possible que je n’y parvienne pas, vraiment).

Dans la mesure où nous pratiquons, c’est utile.

Voici donc comment je m’entraînerais :

  • Commencez par remarquer quand vous vous accrochez. C’est difficile à remarquer au début, mais une fois que c’est fait, vous pouvez constater cela tout le temps. Lorsque vous n’aimez pas le goût de votre nourriture, c’est une forme d’accrochage. Quand vous ressentez le besoin de prendre du café, c’est une forme d’accrochage. Lorsque vous mangez trop, que vous cédez à la procrastination, que vous vous sentez frustré, que vous êtes en colère, que vous courez vers vos distractions préférées, que vous excluez quelqu’un, c’est toujours une forme d’accrochage. Commencez simplement à remarquer. Ne portez aucun jugement.
  • Remarquez comment vous vous sentez quand vous vous accrochez à un résultat. Qu’est-ce que vous remarquez dans votre esprit ? Que remarquez-vous au sujet des sensations dans votre corps ? Soyez curieux et commencez à affiner votre attention afin de pouvoir remarquer les moindres détails.
  • Pratiquez la méditation quotidienne. Faites-le les matins, pendant 5 à 10 minutes, pendant au moins un mois. Passez à 15 minutes après un mois. Remarquez quand vous reportez la méditation (en vous accrochant au besoin de jeter un coup d’œil à votre téléphone), ou quand vous voulez vous lever de votre siège avant la fin de la méditation. Ou encore quand vous vous accrochez à autre chose pendant la méditation.
  • Entraînez-vous à lâcher prise. Il s’agit d’une manière de relâcher la pression qu’il y a dans votre esprit et dans votre corps. C’est un relâchement dans votre avis sur comment les choses devraient être. C’est plus facile quand vous ne vous en souciez pas tant que cela. Entraînez-vous donc d’abord dans des situations faciles. Dites-vous : « Je n’ai pas besoin que les choses se présentent comme je le veux. Peu m’importe de quelle façon elles se présentent. Je suis content de toute façon, parce que quoi qu’il arrive, l’univers est formidable. »
  • Remarquez l’égoïsme de l’accrochage. Lorsque vous vous accrochez à quelque chose, c’est parce que vous êtes au centre de votre univers. Vous voulez que les choses se déroulent comme vous le souhaitez, que les choses répondent à vos désirs (ou évitent vos aversions), que les choses soient comme vous les aimez. C’est alors que nous nous mettons au centre de tout. Il ne s’agit pas d’un jugement, mais simplement d’une remarque de perspective.
  • Élargissez votre perspective. Allez au-delà de votre vision centrée sur vous-même, pour sortir de l’attachement. Voyez le point de vue de l’autre, comprenez qu’il souffre, comprenez que dans sa souffrance et son attachement, vous êtes semblables, vous êtes connectés. Remarquez que vous et tous les autres êtes interconnectés. Vous vous affectez les uns les autres, vous vous supportez les uns les autres. Et dans la mesure où vous pouvez souhaiter la fin de la souffrance des autres, cela vous bénéficie aussi. Élargissez votre cœur pour souhaiter la fin de l’attachement et de la souffrance des autres. Ne vous inquiétez pas beaucoup pour vos propres désirs et votre protection personnelle. C’est une approche utile quand il s’agit d’attachement, parce que lorsque nous changeons de façon de penser, nous n’avons plus besoin que les choses se déroulent comme nous le voulions.
  • Voyez la beauté en tout. Voyez l’immense et profonde grandeur de chaque petite chose. Lorsque nous voulons coûte que coûte que les choses soient d’une façon précise, nous ignorons la merveille qui se cache derrière les choses qui nous entourent. En effet, si nous voyions cette merveille, nous n’aurions pas besoin que les choses soient d’une façon. Tous les chemins sont incroyables, à leur façon. Apprécier cela est utile.
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Cette approche ne vous mènera pas jusqu’au bout, mais cela vous rapprochera beaucoup du but.

La vraie façon de développer un esprit qui ne s’attache à rien, c’est d’abord de lâcher prise. À chaque instant, remarquez l’attachement puis lâchez prise. Faites-le encore et encore.

Ensuite, étendez-vous au-delà de votre perspective étroite, remarquez l’inter-connectivité de toutes choses, appréciez la beauté de tout ce qui nous entoure. Ne vous voyez pas comme séparé de tout le reste, mais plutôt comme une partie de l’ensemble. Et tombez profondément amoureux de cela.

Article original écrit par Léo Babauta.

Traduction sur https://habitudes-zen.net/